il y avait des temps de vide
entre un temps de solitude
un temps avec gabriel
plage déserte
temps mort
le ciel gris ne disait rien
seuls les bleus avaient des choses en tête
l’air s’était mis au froid
humide
pénétrant et glacé
le manteau noir en laine
léger et doux faisait barrière
virevoltait par moment
elle s’était arrêtée pour un café
léna rêvait
la route encore depuis toutes ces années
la rivière prenait des airs de mer turquoise
mais elle ne la trompait pas
elle aurait pu entendre le roulement des galets plus bas
les arbres s’alignaient au garde à vous
dépouillés verticalité majestueuse
ce vert tendre était peut être du bléblé
oui du blé sûrement
elle avait vu toutes les saisons
ligne claire sur sa peau
cette fêlure où elle aimait passer ses lèvrescette fêlure
sa langue
cicatriser un peu plus cette douleur
qu’elle savait toujours présenteprésente
elle aimait les couleurs des couchants des levants
le givre sur les vitres dans le matin tôt et glacé
léna se souvenait
de la chaleur des blés coupés
de la couleur des draps
des grincements de portes
des détails qui s’étaient imprimés comme à son insu,
des choses que son esprit avait notées
là, il les lui rendait comme les images d’un film au ralenti
elle ne disait rien léna,
ils avaient fait l’amour dans différentes pièces au fur et à mesure des désirs explosés
d’un lit au canapé de cuir noir
noir comme le cuir qu'elle aimait
tout ce temps d’amour
tout ce temps de plaisirs qui ne s’effaçait pas
ne s’entamait pas
leurs corps se savaient à tâtons
se reconnaissaient dans les odeurs dans les gestes
empreintes des mains étreintes folles
à la pulpe des doigts
yeux aux yeux
âme à âme
leurs chairs s’aimaient s’imprégnaient de l’autre
s’animaient aux plaisirs encore
elle voulait toujours
ils s’aimaient
il le disait
elle le disait
* photo jeanne