photo jeanne dessin ernest pignon ernest
la piste était vide
éclairée par un projecteur, un rond de lumière
il est venu, le violon bien calé sur son épaule
vêtu de noir
un costume suranné avec une queue de pie
il joue
une musique douce, pénétrante qui me remue
j'y vois tous les soleils
les brumes du nord
les sables ocres poussés par les vents,
les dunes
mousseline rouge
elle entre en scène
une liane qui se déplace sur ses chaussons
à petits pas pointes après pointes
elle s'enroule autour du violoniste
ils tournent doucement
un seul corps
la musique se fait plus poignante prégnante
une longue plainte d'amour
puis elle se détache
le laisse
tourbillonne
s'envole fend l’air en grand écart
retombe dans les bras d'un qui vient d'apparaitre
des tambours se joignent au violon
accompagnement parfait
un instant fugace, fugitif
que je capte
que j’incruste
je sais que tout va disparaitre
que je vais oublier
je ne veux pas oublier
plus loin Rodin pense
il se demande
lui bâti dans le bronze
là pour l’éternité
immobile
couvert de merdes de pigeons
il s’envolerait bien lui aussi
condamné à perpétuité
aux vents à la pluie
il aimerait une musique douce
comme une caresse
celle du vent dans les arbres ne lui suffit plus
les hivers lui semble si longs
lui sorti de bronze incandescent
moulé à chaud
il a froid
il en a marre
aimerait bien penser à autre chose
il ne pense plus,
il est ailleurs, il s’imagine
parti avec le tulle rouge
et la fille aux chaussons roses