je n’ai pas ouvert la lettre…
elle était posée depuis 8 jours sur la table de la cuisine
au milieu des assiettes des légumes
une enveloppe bleue layette,
un bleu délavé, un bleu de ciel après la pluie
j’aimais ce bleu
non je n’aimais pas ce bleu
si loin du mien toujours vif quand le mistral a soufflé
il sait faire fuir les nuages
le bleu du midi, est un bleu dur
j’en avais assez du bleu tendre
j’ai ouvert ta lettre avec un couteau tranchant
j’ai eu peur de couper les mots
non je n’avais pas peur
plus peur
j’ai gardé longtemps l’enveloppe ouverte
pris un café
un verre d’eau
je suis allée à la fenêtre
il pleuvait
des trombes d’eau se déversait sur le trottoir
le caniveau débordait
bouché par des papiers des canettes vides
crépitement de la pluie sur le toit des voitures
au loin le ciel zébré d’éclairs appelait le tonnerre
les éléments se déchainaient comme mon cœur
mon souffle se faisait rapide
encore cette impression d’étouffer
j’ai ouvert la fenêtre
l’air était tiède lourd d’odeurs fortes
la pluie mouillait mon visage
j’aimais cette sensation piquante et froide.
la lettre était toujours posée sur la table
m’attirait
me révulsait
je n’attendais plus rien
rien
plus rien
la colère le chagrin tout partira avec le vent
j’attendais l’indifférence qui viendrait avec le temps
le temps oui
il me fallait juste attendre
et je savais faire
attendre
l’enveloppe est toujours sur la table
sortir la lettre bleue layette
non je ne lirai pas
Il n’y avait plus rien à dire
à lire
dehors l’orage se calmait
à l’est un peu de bleu revenait
l’air se faisait plus léger
transparent
je respirais amplement
en équilibre
enfin