jeu d'écriture : prendre au hasard dans un livre, quand le requin dort de miléna agus, mon choix
8 mots : panier émotion Dieu maoro automne chaise planète tête
photo jeanne
elle est arrivée sur le parking, pressée sans doute j’étais encore dans la voiture fallait sortir
elle tenait à la main un panier un vieux panier à fraises un de ceux que l’on voit au marché les planchettes avaient pris le gris de la moisissure jolies couleurs surannées.
surannées ? est-ce que c’est le bon mot ?
quand elle est entrée dans la pièce elle avait un air d’ailleurs de lointain.
le mistral nous faisait les joues froides aux baisers
je pensais au cap-horn
pourquoi le cap-horn ?
je ne savais pas où c’était
le froid oui bien sûr mais surtout la mer aux grandes vagues
le passage des grands navigateurs les îles à inventer
le cap-horn est un rêve à lui tout seul.
cap île mer mer….
et le bleu ?
oui bleu comme la planète est-elle encore bleue ?
parfois elle se demande toutes ces fumées qui s’échappent
font-elle encore du bleu ?
maoro dit que oui que le bleu est plus fort que tout que toutes les couleurs
elle dit qu’elle n’en est pas sûre le bleu est une couleur fragile insaisissable pour certains
maoro s’emporte sur le bleu
il est d’un pays où cette couleur est permanente la sardaigne je crois
oui le bleu l’emporte le ciel est presque toujours dans cette couleur là bas
la mer sent les outremers c’est du bleu encore plus bleu.
si maoro le dit nous aurons du bleu jusqu’à la fin des temps et même jusqu’à la fin du monde
elle rit se balance sur sa chaise
tous ces mots la font rêver
partir oui mais pas au cap-horn.
elle ne sait pas où c’est
loin ?
alors oui c’est loin qu’elle veut aller le plus loin possible.
ce n’est pas un pays loin elle sait ça
chercher autre chose
pas le cap-horn
plus loin.
une île ?
oui une île n’importe laquelle mais une île lointaine
l’île maïre ?
non plus loin elle sourit l’île maïre c’est à porté de son regard de sa main
elle sait ce qu’elle veut
une île une terre d’eau du bleu
de l’horizon autour
c’est çà
oui enfin elle a compris et là sans qu’elle l’ait senti venir
quelque chose arrive de loin de son ventre un remous une tornade de l’émotion brute elle tangue sur sa chaise
elle ne sentait plus capable de ressentir si fort ces désirs de départs
Dieu fait moi un signe et je pars.
idiote
elle se faisait bien vieille si elle avait besoin des signes du ciel
Dieu est muet
Dieu est absent
Dieu est occupé
Dieu est ailleurs peut être dans ce bleu
ce bleu de ciel
ce bleu de mer
ce bleu layette
oui Dieu est bleu layette
ne blasphème pas mécréante j’éclatais de rire
maoro sursaute il s’était un peu endormi sa tête dodelinait de droite à gauche doucement
elle remarqua pour la première fois la masse de ses cheveux gris la tonsure un large cercle sur le sommet de son crâne lisse et brillant appelant la caresse ou le baiser
elle n’oserait jamais
elle effleura sa main pas une caresse un effleurement léger
Il sursauta
je dormais ?
non maoro tu ne dormais pas
tu rêvais
dehors le bleu avait disparu
le ciel était devenu gris
cela sentait le froid à venir
le mistral était parti ailleurs
l’automne languissant avait fait place à l’hiver
on l’annonçait grand froid
il faisait froid le froid qui pénètre
qui traverse nos laines jusqu’à l’ os.
c’est vrai sur le parking
j’avais remarqué en plus du petit panier
elle avait des mitaines
une grande écharpe
oui il faisait froid
nous étions dans l’hiver