photo jeanne
plus loin, pas si loin, la vieille dans sa maison bleue aurait pu chanter, son sourire était un chant de vie vivante, mais elle avait perdu la voix, l’ouie dans un accident d’avion.
elle se plaignait la vieille ? non jamais.
elle pleurait la vieille ? non jamais
une ardoise accrochée au cou par un lacet rouge lui permettait de suivre les seules conversations qui l’intéressaient. parfois même elle remerciait le bleu du ciel qui lui évitait les verbiages intempestifs.
ses pensées s’enroulaient comme des liserons aux lampadaires de la rue. tout devenait plus lumineux, plus sauvage, elle regardait sa ville
marseille criait. elle aimait cette ville où elle était née et avait grandi, son quartier, sa rue, ses copines.
la rue, sa deuxième maison aux heures chaudes de la journée, elle y était
les appartements étaient si petits...
la rue, leur domaine où tout pouvait arriver.
elle aimait cette ville oui qui savait crier, qui savait acceuillir face à la mer.
marseille multiple et unique
marseille qui savait rire, chanter, crier danser, un autre continent, un autre pays ?
marseille bruyante et colorée, ma ville.
c'est de ce port que je suis partie, il y a bien longtemps pour un autre pays, une autre vie pour un soleil plus chaud plus fort, pour plus de tempêtes, pour d'autres chants, pour d'autres couleurs de peau, pour un bleu plus dense.
aujourd'hui j'ai tous ces cris, toutes ces femmes tous ces hommes en moi.
ils m'accompagnent, ils vivent là, savent parfois me donner la main.
le temps a passé,
certains ont disparus,
pas forcemment morts,
pas oubliés,
juste dans un autre champ de vision.
ils apparaissent quelques fois au détour d'une chanson d'un mot d'une odeur d'un livre.
tous là,
j'entends encore, je reconnais ces vies attachées à ma mémoire
et si j'ai grandi c'est de les savoir là.